Génération Remote - Le podcast sur les bonnes pratiques du télétravail

#43 - Droit et obligations en télétravail, avec Diane Vezies

Posté le 29. Novembre 2023  (Dernière modification le 13. Janvier 2024 )
41 minutes  • 8568 mots

Vous êtes-vous déjà demandé comment le droit s’applique au télétravail ? Comment les entreprises et les employés naviguent dans cette nouvelle ère du travail à distance ? Dans cet épisode de Génération Remote, nous plongeons dans les méandres juridiques du télétravail avec notre invitée experte, Diane Véziès.

Diane Véziès est une avocate spécialisée en droit du travail avec près de neuf ans d’expérience. Elle dirige le pôle droit social du groupement d’avocats IRO et accompagne les chefs d’entreprise dans la gestion quotidienne du droit du travail. De la formation à la défense en cas de contentieux, Diane est une source inépuisable de connaissances sur les enjeux légaux du monde du travail, notamment en ce qui concerne le télétravail.

Ce que vous allez apprendre dans cet épisode: 

🌐 Comprendre le Télétravail et le Droit

Diane Véziès, avocate en droit du travail, explique que le télétravail doit être basé sur le volontariat et la réversibilité, permettant aux salariés et employeurs de revenir à une situation de travail en présentiel si nécessaire.

📜 Cadre Juridique du Télétravail

Le télétravail est encadré par le Code du travail ainsi que par des accords nationaux interprofessionnels. Diane souligne l’importance d’un cadre légal clair pour éviter les conflits et les malentendus entre employeurs et salariés.

🛠️ Mise en Place du Télétravail

Pour instaurer le télétravail, les entreprises peuvent opter pour un accord d’entreprise, une charte de télétravail ou un avenant au contrat de travail. Chacune de ces options a des implications différentes pour l’uniformité et la gestion des employés.

🔍 Contrôle du Temps de Travail à Distance

Le contrôle du temps de travail en télétravail pose des défis particuliers, surtout pour les salariés en forfait jour. Diane explique comment les entreprises peuvent s’organiser pour respecter le cadre légal tout en assurant le suivi du travail effectué.

🌍 Télétravail et Mobilité Internationale

Travailler depuis l’étranger en tant que télétravailleur est possible, mais cela soulève des questions complexes liées au droit du travail applicable, à la fiscalité et à la sécurité sociale. Diane met en lumière les considérations à prendre en compte pour les employeurs et les salariés.

💼 Frais et Équipements en Télétravail

Les employeurs doivent fournir le matériel nécessaire aux salariés en télétravail et prendre en charge les frais associés. Diane discute des obligations légales et des pratiques courantes concernant l’indemnité d’occupation et les équipements de travail.

🔄 Réversibilité et Volontariat

Le principe de réversibilité assure que le télétravail n’est pas une mesure imposée définitivement. Diane insiste sur le fait que les salariés doivent pouvoir choisir et changer leur mode de travail, en accord avec leur employeur.

🚧 Risques Psychosociaux et Télétravail

Les risques psychosociaux liés au télétravail, notamment en raison de l’isolement et des défis de communication à distance, sont un enjeu majeur. Diane évoque l’importance de la formation et de l’accompagnement pour les salariés et les managers.

📚 Formation Obligatoire

Les accords nationaux interprofessionnels prévoient la nécessité de former les salariés au télétravail, pour assurer une transition efficace et prévenir les risques liés à ce mode de travail.

Les épisodes dont on parle pendant ce podcsat:

Pour contacter Diane:

Les articles de loi sur le télétravail :

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Le Transcript de l’épisode

0:00:06  Xavier Coiffard Salut, je suis  Xavier Coiffard et je vous présente Génération Remote, un podcast qui explore les nouvelles façons de travailler. L’idée c’est de comprendre comment est-ce qu’on peut travailler autrement. Dans ce podcast, on parle de télétravail, de digital nomade, et de comment se créer son propre mode de vie dans un monde de plus en plus numérique. Je vous propose d’explorer ces différents univers sans filtre, avec des personnes qui vivent au quotidien. Si ces sujets vous intéressent, abonnez-vous ! Bonjour à tous et bienvenue sur Génération Remote. Aujourd’hui, je reçois Diane Véziès qui va nous parler de droit et de télétravail. C’est une avocate du travail. Salut Diane, est-ce que tu peux te présenter rapidement ?

0:00:50  Diane Vezies Bonjour Xavier, merci de m’accueillir. Je suis Diane Véziès, je suis avocate en droit du travail depuis désormais presque neuf ans et à la tête du pôle droit social du groupement d’avocats IRO depuis deux ans. J’accompagne les chefs d’entreprise dans la gestion du droit du travail au quotidien. Donc ça se matérialise de différentes manières, donc à la fois dans la formation des chefs d’entreprise, dans leur défense en cas de contentieux devant le conseil de prud’homme ou en cas de contrôle URSEF, mais également dans une dimension de conseil. Donc ça peut aller de la rédaction des contrats de travail, des règlements intérieurs, la mise en place des élections professionnelles, ou encore les accompagner dans le cadre de la gestion du télétravail.

0:01:35  Xavier Coiffard Ok, c’est super intéressant, comme je te disais juste avant qu’on enregistre, le droit est quelque chose dont on parle toujours plus ou moins dans les podcasts. J’ai eu sur ce podcast à la fois des entrepreneurs, des salariés, des gens qui étaient en digital nomade, qui étaient à l’étranger, etc. Et à chaque fois on passe très rapidement sur sur le droit ou les contraintes légales et en fait j’ai un peu l’impression que c’est flou pour la plupart des gens. C’est pour ça que je voulais t’inviter sur ce podcast histoire qu’on essaie de faire un épisode dans lequel on vient mettre les grands principes au moins et essayer que ça soit plus clair dans la tête de tout le monde parce que j’ai vraiment l’impression que c’est flou. En plus je pense que ça a changé il n’y a pas très longtemps, tu nous le diras tout à l’heure. Mais du coup voilà, est-ce que tu peux peut-être commencer par nous faire un aperçu très grossier de quelles sont les lois qui s’appliquent, quelles sont les réglementations et quelles sont vraiment les grosses mailles qu’il faut qu’on ait en tête et puis après peut-être on ira dans le détail en fonction des différents sujets.

0:02:37  Diane Vezies Oui bien sûr, c’est vrai que le télétravail c’est quelque chose qui a pendant très longtemps à la fois été boudé et géré de manière assez aléatoires, chacun faisait un petit peu sa popote à sa sauce. Et avec la pandémie qu’on a connue, les choses ont été complètement révolutionnées, puisque c’est une énorme partie de la population qui a été obligée de se retrouver dans le cadre du télétravail, d’un télétravail qui était imposé. Donc, c’est là où se sont posées de vraies questions, de vraies problématiques, et où on s’est rendu compte la mise en place d’un cadre était non seulement nécessaire, mais aussi incontournable pour éviter, derrière, des contentieux entre salariés et employeurs. Alors, en termes de législation, en matière de télétravail, il y a plusieurs sources. Il y a une source légale qu’on retrouve dans le Code du travail, c’est les articles L 1222-9 à L 1222-11, et ce sont également deux accords nationaux interprofessionnels, l’un qui date de 2005, et l’un qui est beaucoup plus récent, qui date de 2020. Et en fait, tout ce carcan juridique vient poser le cadre de l’usage du télétravail. Donc ça va être les conditions de recours, dans quel cas on peut mettre en place le télétravail, quelles sont les populations qui sont visées par la mise en place du télétravail, Il faut noter que tout cela s’articule autour de deux grands principes. C’est que le télétravail doit à la base être volontaire et qu’il peut faire l’objet d’une réversibilité. C’est-à-dire que lorsqu’on a un salarié par exemple qu’on a embauché dans le cadre d’un contrat de travail dans lequel il n’était pas prévu que celui-ci exerce dans le cadre du télétravail, que finalement on le passe en télétravail, il faut prévoir la possibilité à la fois pour le salarié de demander à revenir en présentiel et à la fois la possibilité pour l’employeur d’exiger que le salarié revienne en présentiel. Donc ça, c’est des dispositions qui sont très importantes et qui doivent impérativement figurer dans le carcan de normes qui supposent la mise en place du télétravail. Alors concrètement, l’employeur qui veut mettre en place du télétravail, il va passer par trois moyens différents, soit par la conclusion d’un accord d’entreprise avec les représentants du personnel, qui est au final une décision qui est prise de manière collective et qui s’applique de manière collective. A défaut d’un tel accord, l’employeur va pouvoir mettre en place une charte de télétravail, qui est en réalité une décision unilatérale, mais qui va avoir également des effets collectifs. Et s’il n’y a pas de charte, il est toujours possible à l’employeur et aux salariés de s’accorder, par exemple dans le cadre soit du contrat de travail, soit d’un avenant, mais auquel cas cette décision ne s’applique qu’au salarié qui est concerné. Les dispositions qui figurent dans le contrat de M. A ne vont pas s’appliquer dans les relations de travail avec M. B. On saisit tout de suite la limite de ce type de mise en place, puisqu’on peut se retrouver avec un manque d’uniformisation si jamais d’un contrat à l’autre, on ne prévoit pas exactement les mêmes choses.

0:05:54  Xavier Coiffard Il y a deux choses qui ont piqué mon attention dans ce que tu viens de dire. La première, c’est que la loi définit les types de personnes auxquelles peut s’appliquer le télétravail.

0:06:09  Diane Vezies Je précise, la loi exige que l’employeur définisse à qui ça s’applique. C’est-à-dire qu’on doit le préciser. Après, ce n’est pas la loi qui fixe en indiquant telle personne a le droit de télétravailler ou telle personne n’a pas le droit de télétravailler.

0:06:24  Xavier Coiffard Et il faut des conditions de réversibilité à chaque fois, c’est-à-dire que si tu crées une boîte ex nihilo, un truc qui n’existe pas, tu commences et tu décides que la boîte est 100% en télétravail et que donc les salariés sont répartis partout, est-ce que les salariés qui du coup sont 100% en télétravail on peut avoir la possibilité d’avoir un bureau quelque part, comment ça marche ? Ou est-ce que c’est j’étais en présentiel, je passe en télétravail, il faut que je puisse repasser en présentiel ensuite ?

0:06:57  Diane Vezies C’est ça, c’est la deuxième option. C’est à partir du moment où à l’origine on était en présentiel qu’il faut avoir la possibilité de repasser en présentiel après avoir fait du télétravail. Par exemple, tu peux carrément embaucher quelqu’un en prévoyant que l’exécution de son contrat de travail ne se fera qu’en télétravail.

0:07:20  Xavier Coiffard Ok, du coup ça donne les bases clairement de ce qu’on peut faire ou ne pas faire. Sur la typologie des personnes qu’on peut embaucher en télétravail, il y a une question sur laquelle j’avais un peu creusé et je pense qui est toujours un peu floue, c’est la question des alternants ou des stagiaires. Est-ce qu’il y a une réponse claire là-dessus ou est-ce qu’il y a un flou juridique ?

0:07:45  Diane Vezies Sur ce point, il n’y a pas de dispositions juridiques qui viennent prohiber le recours au télétravail. On peut tout à fait demander à un alternant de travailler dans le cadre du télétravail, à distance. Après, ça va plus être une question d’ordre pratico-pratique, dans quelle mesure l’alternant, parce qu’il ne faut pas perdre à l’esprit que l’alternant, c’est quelqu’un qui vient être formé, qui vient apprendre, et qui va avoir besoin du soutien de la communauté de travail, de son maître de… Enfin, pas son maître de stage, mais son référent. pour pouvoir apprendre. Et c’est là où on peut se dire que finalement, le télétravail, ça risque de l’isoler d’une certaine manière et peut-être rendre plus difficile son apprentissage.

0:08:33  Xavier Coiffard Il n’y a pas de contre-indication, mais il faut qu’on soit capable de prouver qu’il y a un apprentissage réel. Oui, c’est ça, tout à fait. C’est bien, ça éclaircit ça déjà, parce que c’était flou dans ma tête. Et surtout, ce qui est horaires de travail, parce qu’encore une fois sur ce podcast, on a aussi reçu des entrepreneurs qui travaillait avec des personnes qui étaient sur différents fuseaux horaires typiquement, ou alors qui étaient en full remote et avec un fonctionnement qu’on va appeler asynchrone, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas des horaires définis vraiment dans le dur. Qu’est-ce que dit la loi là-dessus ? Comment est-ce qu’on fait pour gérer les horaires de travail pour des gens qui sont en télétravail, soit en hybride quelques jours par semaine, soit en complet ? Est-ce qu’il y a des règles à suivre ? Comment est-ce qu’on fait pour les comptabiliser, les vérifier ?

0:09:27  Diane Vezies S’agissant de la question du temps de travail, cette question est un peu plus globale que le télétravail finalement. On va retomber sur des règles de droit commun où on va distinguer d’une part les salariés qui sont soumis à des horaires précis, comme pour les horaires de bureau. Le salarié qui, par exemple, est en 35 heures, commence à 9 heures et finit à 17 heures, on va attendre de lui qu’il fasse la même chose quand il est en télétravail. L’employeur peut contrôler son temps de travail et s’assurer par exemple qu’il prend son poste bien à 9h comme c’est prévu, et qu’il travaille jusqu’à 17h. Là où la difficulté existe, c’est lorsqu’on est en présence, et c’est la majorité des cas, de salariés qui sont en forfait jour. Donc, la particularité des salariés qui sont en forfait jour, c’est qu’on ne va pas décompter le nombre d’heures qu’ils réalisent, on va compter le nombre de journées ou de demi-journées qu’ils font. Et c’est là où, finalement, l’employeur n’a pas la main mise sur exactement l’heure à laquelle le salarié va commencer et l’heure à laquelle il va finir. Et là, ce qui doit être prévu dans le carcan qui encadre le recours au télétravail, que ce soit l’accord d’entreprise, la charte ou le contrat de travail à défaut des deux premiers, c’est de prévoir une plage horaire pendant laquelle le salarié peut être contacté. Mais en revanche, cette plage horaire ne correspond pas à la plage pendant laquelle le salarié travaille. Parce que si jamais l’employeur se met à contrôler le temps de travail du salarié qui est en forfait jour, ils risquent de rendre ce forfait jour nul et donc permettre aux salariés de venir réclamer des heures supplémentaires.

0:11:14  Xavier Coiffard D’accord. Question un petit peu en parallèle de ça. Le forfait jour, c’est que pour les cadres ou on peut mettre n’importe qui en forfait jour ?

0:11:24  Diane Vezies Alors, on ne peut pas mettre n’importe qui en forfait jour. Généralement, ce sont les cadres. Après, des forfaits jours peuvent être mis en place pour d’autres catégories de salariés sous réserve qui disposent d’une autonomie suffisante. Et en fait, ces catégories sont déterminées par les conventions et accords d’entreprise. C’est vraiment au cas par cas.

0:11:46  Xavier Coiffard Ça veut dire que globalement, si on veut faire des grosses lignes, si t’embauches un junior et que tu le mets en télétravail tout de suite, il va falloir que tu sois en mesure de contrôler ses heures et de lui donner un contrat plutôt à l’heure, c’est-à-dire en 35 heures, etc. Oui, tout à fait. Du coup, un fonctionnement asynchrone, ça peut être un peu compliqué d’un point de vue…

0:12:07  Diane Vezies Alors, après, fonctionnement asynchrone, c’est… Tu penses au cas du salarié qui peut être à l’étranger sur un autre fuseau horaire ?

0:12:18  Xavier Coiffard Ou pas forcément ?

0:12:21  Diane Vezies Pour le salarié pour lequel on va décompter les heures de travail, Oui, soit ces horaires sont fixes, soit ils ne sont pas fixes. Après, on peut tout à fait prévoir qu’un salarié commence à 9h le lundi et finisse à 17h, qui commence à midi le mardi et qui finisse plus tard. Ça, c’est tout à fait possible, mais ça doit être prévu.

0:12:48  Xavier Coiffard Il faut le mettre dans le contrat de travail ?

0:12:52  Diane Vezies Dans ce cas-là, on prévoit que le salarié va réaliser 35 heures. Et tant que ces heures sont réalisées que de jour ou de nuit, ça ne va pas poser de problème. On va pouvoir modifier les horaires. dans ce cadre-là. Par contre, ce qu’on ne peut pas faire, c’est faire passer un salarié qui est de jour à du travail de nuit. Et petite particularité aussi, parce qu’évidemment, le diable se cache dans les détails, lorsqu’on est en présence d’un salarié qui va être à temps partiel, là, on est obligé d’indiquer l’heure de début, l’heure où il commence et l’heure à laquelle il finit, la répartition des horaires sur la semaine. Ça, on est obligé de le prévoir. Tandis que pour un salarié à temps plein, à partir du moment où il est à temps plein, ses horaires peuvent varier tant qu’on ne change pas ses horaires de jour en horaires de nuit.

0:13:44  Xavier Coiffard Ok, donc ça veut dire que quelque chose qu’on entend plutôt ici sur ce podcast en disant, moi mes salariés ils bossent quand ils veulent, s’ils veulent travailler tôt le matin en se levant à 4h et finir à midi ou bien le lendemain commencer à 17h et finir à 3h du matin. En vrai, tu n’as pas vraiment le droit de faire ça parce que ton salarié il passe la moitié du temps du jour, l’autre moitié de nuit.

0:14:06  Diane Vezies Ça c’est possible quand il est en forfait jour.

0:14:09  Xavier Coiffard Oui, c’est ça.

0:14:10  Diane Vezies Mais alors, quand il est en forfait jour, ce qu’il doit respecter, le salarié, c’est les durées de repos quotidiens, qui sont de 11 heures, et hebdomadaires, qui sont de 35 heures consécutives.

0:14:28  Xavier Coiffard Tu disais que c’était en fonction du contrat de travail. Est-ce que sur la mise en place du télétravail, il faut plutôt adapter le contrat de travail ou mettre en place des charges de télétravail ? Quelle est la bonne pratique pour soit passer une entreprise avec du télétravail, soit peut-être créer une entreprise directement avec du télétravail ? Est-ce qu’on fait une charte ? Est-ce qu’on fait contrat de travail par contrat de travail ?

0:14:58  Diane Vezies Tout va dépendre des besoins de l’entreprise. Si c’est un besoin ponctuel uniquement pour permettre à certains cadres d’être en télétravail parce qu’eux ont besoin de plus de flexibilité dans l’organisation du travail, le fait de passer par un contrat de travail peut suffire. Après, lorsqu’on vise une plus grande communauté de travail, moi, il me semble beaucoup plus opportun de passer par un accord d’entreprise ou une charte de télétravail, parce que ça permet d’uniformiser les règles, et ça permet de s’assurer que derrière, tout le monde va être traité à la même enseigne, et qu’il n’y aura pas de discrimination ou de traitement de faveur, enfin bon, c’est la même chose, envers l’un ou envers l’autre.

0:15:38  Xavier Coiffard D’accord, et du coup ça va mettre en place les règles pour toute la boîte et pour tous les salariés ? Ou peut-être pour… Est-ce que tu peux faire genre service par service ? C’est possible ?

0:15:46  Diane Vezies Oui, oui, oui, tout à fait. Tout à fait.

0:15:49  Xavier Coiffard Et qu’est-ce qu’on trouve… Quels sont les grands éléments à mettre dans une sorte de télétravail ?

0:15:54  Diane Vezies Les grands éléments à mettre dans une charte de télétravail sont bien prévus par les textes. Il y a les conditions de passage en télétravail. Il y a les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. Là, c’est la fameuse réversibilité. Il y a les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail. Les modalités de contrôle du temps de travail. et de régulation de la charge de travail. Ça, on a pu le voir et je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler tout à l’heure. Mais ce qu’on a pu remarquer avec la pandémie, c’est que certains salariés qui se sont retrouvés en télétravail ont eu une charge de travail qui était beaucoup plus élevée que lorsqu’ils étaient en présentiel. Parce que du coup, la frontière vie privée-vie professionnelle était beaucoup plus poreuse et certains ont eu beaucoup de mal à trouver des moments où commencer ou arrêter C’est un point très important de pouvoir prévoir ce suivi et cette régulation. De la même manière, il faut pouvoir prévoir les modalités d’accès au télétravail des télétravailleurs handicapés par exemple. Ce qu’il va y avoir aussi, c’est les modalités de mise en place concrète, matérielle du télétravail. Qu’est-ce que l’employeur doit mettre à disposition du salarié ? Comment l’espèce de travail doit être mis en conformité en matière d’installation électrique par exemple ? le fait qu’il faille prévoir un extincteur en cas de difficulté. Il y a des trucs qui sont assez hallucinants. Quand on se penche un petit peu dans le détail sur les prévisions du Code du travail et des accords nationaux et interprofessionnels, on se rend compte qu’il y a des obligations qui ne sont jamais respectées en pratique. Je ne connais personne qui a un extincteur chez lui alors qu’il fait du télétravail, et pourtant c’est prévu par les taxes.

0:17:59  Xavier Coiffard Ok. Justement, en fait, ça allait être ma question suivante sur l’aménagement, le matériel, tous ces genres de choses et la sécurité. Parce qu’encore une fois, il y a quand même pas mal de disparités entre les entreprises. Maintenant, il y a même les entreprises qui te disent qu’il faut que tu ramènes ton propre ordinateur, le bring your own device.

0:18:23  Diane Vezies Oui, mais alors ça…

0:18:26  Xavier Coiffard On est d’accord, on est d’accord. Et de l’autre côté, tu as des boîtes.

0:18:28  Diane Vezies Il y a un petit sujet.

0:18:29  Xavier Coiffard Oui, mais justement. Et de l’autre côté, il y a des boîtes qui, dès que tu arrives, te donnent la panoplie complète jusqu’au bureau, la chaise de travail, etc. Quel est le minimum légal ? Quelles sont les obligations quand tu passes un salarié en télétravail ?

0:18:48  Diane Vezies Le principe global et général, il est simple, c’est qu’un salarié n’a pas à exposer de frais pour pouvoir travailler. À partir de là, c’est l’employeur qui doit prendre en charge le matériel de travail. Donc, c’est lui qui doit mettre à disposition un ordinateur si le salarié a besoin d’un ordinateur, un téléphone s’il a besoin d’un téléphone. Bon, après, dans la pratique, très souvent, les salariés ont leur téléphone personnel et puis ils ne se voient pas confier un téléphone professionnel. Mais ce n’est pas… C’est pas forcément conforme, en principe, bien à l’employeur de mettre à disposition du salarié le matériel dont il a besoin. Donc, ça passe à la fois par le matériel informatique, l’ordinateur, le casque audio, l’imprimante en cas de besoin, le siège pour lui permettre de travailler. Et très souvent, les entreprises prévoient, en fait, des… Comment dire ? Des sortes de… de catalogue où ils disent que vous avez le droit, dans telle limite financière, à tel type de produit. Vous avez une enveloppe pour vous équiper pour le télétravail, maintenant à vous de voir ce que vous achetez en fonction. Et si vous voulez quelque chose qui excède ce que l’entreprise est prête à mettre, c’est pour vous, parce que vous êtes allé au-delà du minimum.

0:20:12  Xavier Coiffard Il y a des boîtes qui sont spécialisées en équipement des salariés qui passent en télétravail où il y a des packages et les salariés peuvent directement choisir et c’est livré à leur domicile. Est-ce que l’électricité, l’internet, le chauffage, tout ça c’est compris ? Est-ce qu’on voit des entreprises qui ont des primes de télétravail pour pallier un peu à ces dépenses-là ? Est-ce que c’est obligatoire ?

0:20:40  Diane Vezies On a vu une évolution entre les deux accords nationaux interprofessionnels, celui de 2005 et celui de 2020. Celui de 2005 imposait à l’entreprise de prendre en charge l’intégralité des frais exposés par le salarié. Et donc, ça prenait en compte tout ça. Donc, le chauffage, l’électricité, etc. L’année de 2020 est un petit peu plus souple pour l’entreprise et prévoit uniquement la possibilité pour l’entreprise de prendre en charge de manière forfaitaire une indemnité d’occupation.

0:21:15  Xavier Coiffard D’accord. D’accord. OK.

0:21:18  Diane Vezies Bon, qui vient s’ajouter aux frais d’ordinateur, de siège, etc.

0:21:23  Xavier Coiffard Mais c’est obligatoire ou pas ?

0:21:25  Diane Vezies Oui, oui, oui. Là, typiquement, j’ai mis un contenu assez récent sur le sujet où j’accompagnais un salarié et pas une entreprise. Ce salarié demandait le remboursement de la chaise de bureau qu’il avait achetée sur ses données personnelles pour pouvoir réaliser le télétravail qui lui avait été imposé. Il y avait plusieurs problématiques dans ce dossier. Plusieurs choses qui n’allaient pas, mais il a obtenu gain de cause devant le conseil de Prud’homme en se faisant rembourser.

0:21:54  Xavier Coiffard Sa chaise de don. Ok. Et peut-être un point de détail, mais c’est quelque chose que j’ai déjà vu, c’est des questions que j’ai déjà vu passer aussi sur les tickets resto typiquement. Est-ce que tu as le droit des tickets resto quand tu es en télétravail ou pas ?

0:22:08  Diane Vezies Ou est-ce que ça dépend des entreprises ? Pour le coup, ça fait l’objet encore… Je n’ai pas envie de dire de bêtises, mais je ne crois pas que la question ait été tranchée de manière ferme et définitive. Il y a eu un véritable débat jurisprudentiel à ce sujet, parce que pour certains, la tribune judiciaire, il n’y avait pas lieu de payer aux salariés en télétravail, de leur octroyer des tickets restaurant, ils étaient chez eux et qu’ils pouvaient se faire à manger chez eux sans avoir à exposer de frais supplémentaires. Et pour d’autres, il y avait une rupture d’égalité entre les salariés qui étaient en télétravail et ceux qui étaient sur place, du fait que ceux qui étaient sur place avaient les tickets resto et pas ceux qui étaient en télétravail. Et cette problématique n’a pas, à ma connaissance en tout cas, été tranchée.

0:23:00  Xavier Coiffard OK, d’accord. Donc on ne sait pas. OK.

0:23:04  Diane Vezies Non, là-dessus je pourrais avoir plus de détails si tu veux que je creuse la question, mais là j’ai pas les dernières mises à jour sur le sujet. Mais je sais que ça a été un vrai débat.

0:23:20  Xavier Coiffard En fait j’avais vu passer ça, et puis j’y pense quand on parlait de frais divers, du coup je me suis dit que les frais de bouche ça peut être intéressant aussi à poser comme question.

0:23:31  Diane Vezies Je n’ai pas la toute dernière réponse, mais j’avais le débat que je m’étais noté quelque part.

0:23:38  Xavier Coiffard Ok, si tu retrouves le truc après, je le mettrai en description de l’épisode du podcast. Et pareil, je mettrai aussi en description de l’épisode peut-être les plusieurs points qu’on a vus ensemble et peut-être le détail des articles de loi, etc. dont on a parlé au début. Comme ça, si les gens veulent regarder, il y aura ça dans la description.

0:23:59  Diane Vezies Ok, ça marche.

0:24:02  Xavier Coiffard Tu parlais tout à l’heure de séparation vie privée, vie pro, qui est un vrai sujet sur ce podcast à chaque fois. C’est toujours compliqué de réussir à séparer. Typiquement, je pense à deux digital nomades que j’ai interviewés sur ce podcast qui voyagent en camping-car avec leur famille et qui travaillent dans ce camping-car. Là, c’est vraiment l’exemple typique du comment est-ce que tu fais pour séparer. Est-ce que la loi dit quelque chose là-dessus ? Comment est-ce que…

0:24:35  Diane Vezies Alors, ce qu’on va retrouver, ça va être des principes généraux. C’est vrai qu’il y a une véritable problématique. Et pour les employeurs, la question s’est beaucoup posée de se dire, mais finalement, le télétravailleur, c’est un glandeur, il est chez lui. Enfin, le télétravail, ils le passent devant Netflix, ou ils font rien. Et il y a beaucoup d’entreprises qui, craignant justement de voir leurs salariés ne rien faire, se sont mis à développer une surveillance accrue de leurs salariés. Et donc, ça s’est traduit par Par exemple, la mise en place de Keyloggers, de logiciels espions, de demandes un peu intenses, pestives, où on va demander aux salariés, toutes les heures et demie, tu vas cliquer sur tel bouton pour montrer que tu es bien présent. Et inversement, certains salariés ont pris l’habitude ou même téléchargé des logiciels qui font semblant de faire bouger la souris alors qu’ils ne bossent pas pour qu’il y ait ce fameux Ce fameux contrôle qui donne l’impression qu’il travaille alors qu’il ne travaille pas. La question du contrôle est très importante. Ce contrôle n’est pas limité dans les textes à proprement parler. Mais il résulte d’un principe qui est élémentaire, c’est que le contrôle doit être justifié par l’activité et proportionné au but recherché. Ensuite, ce que prévoit le Code du travail, c’est que si un employeur met en place une modalité de contrôle du temps de travail ou de l’activité du salarié, le salarié doit être informé en amont. Il doit savoir comment son activité peut être contrôlée. Parce qu’après, le contrôle de l’activité du salarié, ça relève du pouvoir normal de direction de l’employeur. C’est normal que l’employeur qui paye le salarié en contrepartie du travail effectué, s’assure bien que le travail soit effectué, parce que sinon, c’est un peu facile. Et de la même manière, il y a une autre obligation qui est faite, c’est celle d’informer les représentants du personnel lorsqu’ils existent sur les modalités de contrôle du salarié dans le cadre de son activité en télétravail.

0:26:54  Xavier Coiffard L’exemple que j’ai pris plusieurs fois sur ce podcast, au début de la pandémie, j’avais une amie qui bossait dans un grand groupe et qui devait faire presque huit heures de conférence Zoom par jour pour que son manager voit bien qu’elle était là et qu’elle travaillait. On est carrément hors des clous.

0:27:11  Diane Vezies Là-dessus, on a même des recommandations de la CNIL, s’agissant de l’usage de la visio par exemple, qui viennent rappeler que si l’employeur a le droit de voir son salarié, de la même manière qu’un salarié en présentiel ne va pas se cacher quand il est dans son bureau, quand il croise son employeur, cette exigence doit être mise en conformité avec l’intérêt du respect de la vie privée du salarié, en ce que le salarié doit pouvoir flouter par exemple le fonds de la vision. S’il ne peut pas flouter le fond, et donc s’il met à nu son environnement personnel, etc., là, il va y avoir une véritable question de proportion entre les enjeux à protéger. Si, par exemple, cet entretien va être un entretien avec un client, le salarié a quand même tout intérêt à montrer son image et pas à se dissimuler. Si, en revanche, on est sur un café du matin, parce qu’il y a beaucoup d’entreprises qui ont fait ça… Alors, ça a été… C’est marrant parce que c’est à la fois apprécié et décrié, parce que pour certains, c’était une forme de contrôle, de surveillance où la personne devait montrer son visage chaque jour et c’était un peu lassant, etc. Pour d’autres, ça a été la possibilité de conserver une certaine… un relationnel humain et un contact. C’est assez rigolo. Ce qu’il a fait du matin, il n’y a pas forcément besoin de voir le visage du salarié. Là où, s’il est en rendez-vous clientèle, avec les RH, ou il fait passer un entretien d’embauche, on comprend qu’il a tout intérêt à être visible.

0:29:00  Xavier Coiffard C’est hyper intéressant ça. Parce que l’histoire du café ou des moments un peu plus informels qu’on va passer en entreprise, c’est vraiment un truc aussi qui revient souvent pour créer de la culture même quand on est à distance. Et je me souviens d’un petit peu à l’inverse, je me souviens d’un des premiers épisodes que j’ai fait avec Cyril Barème qui justement est en camping-car et qui a une boîte en distanciel 100% remote et qui disait qu’il avait des salariés chez lui plutôt technique, des développeurs qui n’avaient pas de contact avec le client, qui ne mettaient jamais la webcam parce qu’ils n’avaient pas envie. Est-ce qu’un employeur peut forcer un employé à mettre une webcam, même s’il est un employé en télétravail ?

0:29:48  Diane Vezies Matériellement, il ne pourra jamais le forcer. En revanche, il pourra prendre des sanctions si jamais le salarié ne s’exécute pas et finalement fait preuve d’insubordination. Puisque dès lors que l’employeur peut démontrer que la mise en place de la visio est nécessaire et proportionnée, l’employeur est censé s’y déférer.

0:30:15  Xavier Coiffard Ok, d’accord. D’ailleurs, on va continuer sur cet exemple-là. Cyril Barème, en l’occurrence, avait un camping-car. Lui n’était pas salarié de son entreprise, je pense, mais il avait aussi des salariés un peu partout, et notamment à l’étranger. Même chose, c’est quelque chose qu’on voit souvent sur les réseaux, des questions sur est-ce qu’on peut être salarié de son entreprise en étant à l’étranger, est-ce qu’on peut être salarié en France, décider de partir trois mois, parce que de toute façon on est en full remote, donc on travaille à Marseille ou à Pékin, c’est la même chose. J’ai l’impression que c’est possible, je ne sais pas si ça l’est dans le droit, mais en tout cas il y a des gens qui le font. Et si c’est possible, quels sont les aménagements qu’il faut mettre en place pour pouvoir accepter la mobilité de ses salariés ?

0:31:04  Diane Vezies Juridiquement, rien n’est impossible. On peut tout prévoir par contrat. Là-dessus, il n’y a pas de sujet. En revanche, ça entraîne des questions qui sont plus ou moins complexes. Parce que le salarié qui va partir à Marseille pour télétravailler en full remote, il n’y a pas de sujet. On est sur la même législation, il relève du même régime de sécurité sociale, il a le même… Il est imposé en France, même fuseau horaire, là-dessus, pas de souci. En revanche, dès qu’on part à l’étranger, les questions vont se poser. Et notamment, imaginons un salarié qui va télétravailler en Suisse. On va se dire, mais finalement, quel est le droit qui va lui être applicable ? Puisque le lieu essentiel où il va exercer ses fonctions, ça va être la Suisse. Et quel est le salaire minimum de référence qu’on va devoir lui appliquer ? Parce qu’en Suisse, le SMIC, ce n’est pas le même qu’en France. La question du domicile fiscal va aussi se poser à partir du moment où le salarié réside plus de six mois dans un autre pays ? et la question de la protection sociale aussi. Ensuite, quand on décline les différentes obligations de l’employeur en matière du télétravail, par exemple sur le fait de devoir remplacer le matériel si jamais il est défectueux, sur le fait de s’assurer de la conformité, etc., il faut se dire que ces obligations-là, il va falloir réussir à les traduire dans le pays étranger dans lequel va se trouver le salarié. La question aussi de la plage horaire pendant laquelle le salarié va pouvoir être joignable va être problématique, puisque ce n’est pas forcément la même que celle des autres salariés de l’entreprise ou que ceux qui travaillent en France. Donc, le décalage horaire doit être pris en compte. Donc, en fait, à partir du moment où on prend en compte tous ces éléments et que cela ne pose pas de difficultés dans le cadre de l’exécution des missions, pourquoi pas ? Après, ça peut devenir complexe. Là où c’est encore plus complexe, c’est lorsqu’on est en présence de salariés qui sont complètement nomades et qui envisagent de travailler dans plusieurs pays différents de manière successive. Après, comme je le disais en introduction, rien n’est impossible, mais ça complexifie un petit peu la donne et l’employeur n’a pas forcément envie de se mettre en difficulté, sachant que derrière, il a également des obligations en matière de sécurité par rapport à son salarié. Parce que si celui-ci a un accident du travail, la question qui va se poser c’est comment on apprécie l’accident du travail en fonction notamment du fuseau horaire.

0:33:41  Xavier Coiffard C’est ça, ça veut dire que si je suis employé dans une boîte et que je décide et mon employeur est d’accord de partir trois mois à Bangkok, d’un coup on a des problématiques un peu partout. C’est-à-dire que aussi bien sur le temps de travail, sur la plage horaire, sur la gestion de la couverture maladie, etc. Et effectivement sur les accidents de travail, ça pose des vrais problèmes en fait. Ok. Et est-ce que toi, tu as vu des entreprises qui ont mis ce genre de choses en place ? Et si c’est le cas, est-ce que tu peux nous dire un peu comment est-ce qu’ils avaient aménagé la chose ou comment est-ce qu’on peut faire pour que ça devienne possible ?

0:34:28  Diane Vezies En fait, à partir du moment où c’est encadré, par exemple, alors ce que j’ai vu, ce n’est pas le cas de Salarié qui était complètement nomade, parce que ça, je pense que ça doit exister, mais je n’ai pas eu l’occasion de le voir. mais des salariés qui, par exemple, ont un conjoint qui habite dans un pays européen. C’est tout à fait possible. Après, ce que l’entreprise avait prévu également, c’était le fait que le salarié revienne en France au bout d’un certain temps. Au niveau du décalage horaire, je n’ai pas eu l’occasion de le voir en pratique, mais je sais que c’est tout à fait possible. Et en fait, ça va dépendre de l’activité qui est réalisée et de la nécessité, par exemple, d’être en contact d’autres équipes ou de clients. Après, ça peut intéresser des sociétés qui travaillent avec le marché correspondant au pays dans lequel le salarié se retrouve en télétravail.

0:35:27  Xavier Coiffard Mais c’est possible. Si je veux aller passer deux mois au Maroc ou en Algérie pour bosser, je peux le faire. Il n’y a pas de problème.

0:35:35  Diane Vezies Mon contrat de travail n’est pas gagné. La question qui va se poser pour l’entreprise, c’est de se dire, finalement, est-ce que je n’aurais pas plus intérêt à détacher le salarié à l’étranger plutôt que de le garder en France avec une modalité de télétravail ?

0:35:50  Xavier Coiffard En fait ça dépend de la durée parce que moi je pense à des gens qui partent un mois, deux mois, trois mois et qui après reviennent. Ils utilisent juste le télétravail comme un moyen d’aller bosser ailleurs pour changer un peu les idées et puis après ils reviennent. Du coup dans ce cas de figure là, mon contrat de travail est toujours ok, ça fonctionne encore. On parlait tout à l’heure des accidents de travail et pareil sur le télétravail, ça peut sembler un peu des fois complexe. Est-ce que si je suis en télétravail chez moi et que je me blesse entre midi et deux, est-ce que c’est un accident de travail ou pas ? Comment est-ce qu’on définit tout ça quand on est en télétravail ?

0:36:38  Diane Vezies Il y a une règle d’imputabilité des accidents du travail. C’est présumer un accident du travail, l’accident qui survient pendant le temps de travail et sur le lieu de travail. À partir du moment où on est en télétravail, le lieu de travail, c’est le domicile. À ce sujet, il y a eu deux arrêts récents qui ont été rendus par des cours d’appel et qui montrent comment ce principe est respecté de manière stricte. Il y a un arrêt qui a été rendu par une cour d’appel de La Réunion, où c’est un salarié qui, lors de sa journée de travail, entend un accident, un choc à l’extérieur de chez lui, et se rend compte qu’il y a coupure d’électricité, son ordinateur ne fonctionne plus, donc il sort de chez lui. Il sort de chez lui, et là en sortant de chez lui, bon alors j’ai plus exactement tous les détails en tête, mais il finit par se prendre un poteau. Donc un poteau lui tombe dessus, et il a demandé à ce que cet accident soit reconnu en accident du travail. Et là, on n’a pas fait droit à sa demande parce qu’il était en dehors de son lieu de travail, parce qu’il est sorti de chez lui. De la même manière, là c’est un arrêt qui a été rendu par la cour d’appel d’Amiens, C’est une salariée qui, elle, a eu un accident du travail une minute après la fin de sa journée de travail. Elle devait finir à 16h. À 16h01, elle monte les escaliers, elle chute. Elle a voulu se prévaloir d’un accident du travail, mais à partir du moment où elle était en dehors de son temps de travail, ça n’a pas été reconnu comme un accident du travail.

0:38:18  Xavier Coiffard D’accord. D’accord. Intéressant. Et du coup, est-ce que tu peux nous donner… Est-ce que tu as des exemples de litiges qui arrivent régulièrement sur cette thématique de télétravail ? Est-ce que peut-être les derniers dossiers que toi tu as traités, des choses comme ça ?

0:38:39  Diane Vezies Alors, il y a pas mal de litiges sur la question de la prise en charge des frais exposés par le salarié, donc à la fois au titre de l’indemnité d’occupation ou sur la mise à disposition du matériel. Ça, c’est quelque chose d’assez récurrent, notamment avec, encore une fois, la pandémie. Il y a énormément de salariés qui se sont retrouvés chez eux et à qui on a demandé de se mettre à bosser en télétravail sans leur fournir d’ordinateur parce que personne n’avait prévu cette situation. Derrière, le salarié demande s’il soit pris en charge des frais qu’il a exposés dans le cadre de son activité.

0:39:17  Xavier Coiffard Une question que je ne t’ai pas posée tout à l’heure sur les indemnités. Il y a un barème ?

0:39:25  Diane Vezies Oui. Je n’ai pas envie de te dire de bêtises, mais il me semble que c’était l’équivalent de 50 euros par mois.

0:39:33  Xavier Coiffard Ce n’est pas lourd.

0:39:34  Diane Vezies C’est pas lourd. J’ai pas envie de dire de bêtises. Je sais plus si c’est par mois ou par semaine. Mais sur les cas d’usage, c’est peut-être plus par semaine que par mois. Je ne sais plus. Sur les différents cas d’usage, il y a la question des frais. Il y a aussi la question de l’employeur qui va vouloir imposer le télétravail à son salarié. qui va dire que j’ai envie de faire des économies. À partir de maintenant, tout le monde va être en full remote, mais le recours au télétravail n’est pas prévu, ni par un accord d’entreprise, ni par une charte, ni dans le contrat de travail. Si l’employeur décide de sanctionner le salarié qui a refusé de se mettre en télétravail, cette sanction sera annulée. Le cas d’un employeur qui va décider de licencier un salarié pour une subordination parce qu’il a refusé de se mettre en télétravail, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

0:40:40  Xavier Coiffard Ça, c’est un cas intéressant aussi. Si tu bosses dans une entreprise et il y a un accord, une charte de télétravail qui se met en place, tout le monde passe en full remote, il n’y a plus de bureau, Et toi, t’as pas envie ? T’as des recours contre ça ? Ou à partir du moment où les représentants du personnel, la charte de télétravail a été mise en place, t’as pas le choix ? C’est soit tu vas en télétravail, soit tu t’en vas ?

0:41:10  Diane Vezies C’est là où on retombe sur le fameux principe de réversibilité. Et sur le principe du volontariat. C’est qu’on ne peut pas imposer le passage au télétravail. Sauf évidemment dans le cas où l’embauche se fait en télétravail de base.

0:41:24  Xavier Coiffard D’accord, très clair.

0:41:30  Diane Vezies Est-ce que tu as d’autres exemples ? Oui, on va avoir le cas du salarié qui profite du télétravail pour ne rien faire. Là, l’employeur va avoir le droit de le sanctionner. Mais ça devient extrêmement complexe parce que l’employeur n’a pas le moyen de contrôler le salarié Comme on l’a vu, il ne peut pas le contrôler de manière constante et permanente. C’est complètement interdit parce que c’est disproportionné. Mais par contre, s’il lui demande d’assurer une réunion à telle heure et que le salarié ne se présente pas à la réunion, il conserve son pouvoir de sanction et peut sanctionner le salarié qui ne s’est pas connecté à la réunion.

0:42:14  Xavier Coiffard Ok. Intéressants les exemples. Et je pense qu’on a fait le tour des questions que moi j’avais en tête sur un peu droit et télétravail. Je ne sais pas si tu as d’autres points que toi tu voulais aborder.

0:42:28  Diane Vezies Écoute, je pense qu’on a fait un bon panorama de la situation. Assy, peut-être aborder la question des risques psychosociaux. On l’a abordé à demi-mot tout à l’heure quand on parlait des salariés qui apprécient ou pas les fameux petits cafés du matin. Mais c’est vrai que le fait de se retrouver totalement en télétravail, ça a pu être déstabilisant pour certains salariés et pour certains managers aussi, parce que se retrouver à manager à distance des équipes, ce n’est pas du tout la même chose. Ce n’est pas du tout le même travail et ça nécessite de faire attention à sa communication, puisque la communication se fait essentiellement par écrit et essentiellement par le biais des chats. Et là-dessus, ça me fait rebondir sur les cas également un peu pathologiques qui ont donné lieu à des contentieux, mais il y a eu une recrudescence des dossiers de harcèlement moral liés au management dans le cadre du télétravail. Donc, la volonté de surveillance accrue, le fait de ne pas trop savoir comment faire pour gérer des salariés qui sont à distance, pour motiver des équipes. Le fait de traduire par écrit, par exemple, des blagues qu’on pouvait faire à l’oral. Quand on ne voit pas la personne, on ne saisit pas forcément l’effet que la petite blague légère va donner. Et ça peut donner lieu à de véritables problématiques, à de véritables sentiments de harcèlement. Justifier ou non, ça va dépendre des cas de figure. Mais ça complexifie énormément les relations humaines, puisqu’on est sur quelque chose de plus formalisé. Et du coup, tout ce qui est écrit peut être conservé et utilisé en justice. De la même manière que les enregistrements des entretiens avec les salariés peuvent être faits. Et là-dessus, il faut le noter, mais la jurisprudence est en train de s’assouplir. Jusqu’à présent, on ne pouvait pas utiliser des éléments de preuve obtenus de manière déloyale, par exemple, lorsqu’on ne prévenait pas la personne qu’elle était enregistrée. Désormais, la Cour de cassation considère que c’est possible, sous réserve, que ce soit le seul moyen dont dispose le salarié pour pouvoir prouver des propos qu’il rapporte. L’usage des nouvelles technologies implique de nouvelles problématiques et de nouveaux points de vigilance pour les employeurs.

0:45:05  Xavier Coiffard C’est hyper intéressant les risques psychosociaux et le manque de formation à la fois des salariés et des managers. C’est clairement un point qui est hyper important dans la mise en place du télétravail et dans le recul aussi je pense du télétravail qu’on voit un peu en ce moment. En ce moment c’est un peu la mode du retour au bureau où on est passé d’un fonctionnement des fois full télétravail à un fonctionnement hybride ou d’un fonctionnement hybride à carrément un retour au bureau pur et dur. Moi, je suis persuadé que c’est parce que justement, il y a un manque de télétravail et qu’en fait, passer d’une entreprise full présentielle à une entreprise hybride ou même full télétravail, c’est beaucoup plus complexe que juste mettre les gens chez eux et leur dire de travailler. Ça demande des vraies compétences, des vraies adaptations pour les managers, etc. Est-ce que dans la loi, il y a une obligation de formation à la fois peut-être des salariés et ou des managers ?

0:45:59  Diane Vezies Dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels, oui. Il est prévu qu’il y ait une formation qui soit dispensée sur le recours au télétravail.

0:46:15  Xavier Coiffard Ok, d’accord, ça c’est intéressant. Et il n’est pas précisé en fonction du poste, que tu sois manager ou pas, peu importe quoi.

0:46:25  Diane Vezies Non, je pense que cette obligation se décline en fonction des fonctions occupées.

0:46:31  Xavier Coiffard Ok, très clair. Ok, écoute, super. Je fais toujours plus ou moins la même dernière question sur le podcast que j’adapte en fonction des invités. Quel conseil tu donnerais à une entreprise qui veut embaucher des salariés en télétravail ou peut-être qui veut passer son entreprise d’un fonctionnement présentiel à un fonctionnement en full remote ? Vap’n’Roll Thierry ?

0:47:06  Diane Vezies Le conseil principal que je lui donnerais, c’est vraiment de ne pas faire l’économie d’un cadre juridique. Ne pas se dire « bon, en fait, tout le monde s’entend bien, il n’y a pas de raison que ça se passe mal si on fait ça en bonne intelligence ». Parfois, on se dit « si on contractualise, derrière, on va perdre en souplesse », mais c’est un peu comme dans les mariages et dans les divorces, si on n’anticipe pas la suite, derrière, on paye les pots cassés. Et c’est super important, à mon sens, de pouvoir bien prévoir le cadre en amont pour ne pas avoir de mauvaises surprises lors de l’exécution.

0:47:45  Xavier Coiffard OK. Donc, se faire accompagner par un avocat…

0:47:49  Diane Vezies Ça peut être une piste. Après, les textes de loi et les accords d’entreprise sont très clairs, sont longs, mais très clairs. Mais il faut vraiment penser à poser ce cadre à envisager les différentes problématiques qui vont se poser, notamment si on est sur du télétravail nomade et à l’étranger.

0:48:10  Xavier Coiffard Ouais, clairement.

0:48:12  Diane Vezies OK.

0:48:14  Xavier Coiffard Merci beaucoup Diane pour ce panorama et ce balayage du droit et du télétravail. J’espère que ça a éclairci beaucoup d’esprit des gens qui m’écoutent. En tout cas, moi, ça m’a aidé. Ça a éclairci plusieurs questions que je me posais de manière régulière. Merci beaucoup pour ce podcast. C’était un plaisir. Je t’en prie.

0:48:36  Diane Vezies Merci à toi de m’avoir reçu.

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